Finesse de l'image et flou
Remarques préliminaires
La notion de piqué est complexe, mais il faut avant toute chose bien comprendre certaines notions de bases avant de passer à certains aspects de la physiologie de l'oeil humain.
Le lecteur est donc encouragé à lire d'abord le chapitre qui traite du problème du cercle de confusion et de la profondeur de champ, puis le chapitre dédié au problème de la diffraction, avant de lire les paragraphes suivants.
Quelques éléments de physiologie de l'oeil et leur application
Au centre de la rétine se trouve une petite zone (3mm), la fovéa, qui assure une grande partie des tâches de la vision humaine, en particulier la vision des couleurs et la qualité de l'image perçue (le reste de la rétine est essentiellement composée de bâtonnets peu denses qui se chargent de la détection de mouvement). Dans la fovéa, il y a environ 300 cellules sensitives sur 3mm de long, soit un détecteur tous les 10 microns environ.
L'oeil a une distance focale de 25mm environ. Donc, à une distance de 25 cms, la taille s d'un objet couvrant exactement un détecteur serait: $$ s= f \frac{O'I'}{d} = 0.25 \frac{(10.10^{-6})}{(25.10^{-3}} = 125\ \mathrm{microns} $$ Donc, la résolution maximale de l'oeil à 25 cms est située entre 60 et 120 microns. On utilise en général la valeur de 100 microns.
Donc, si nous agrandissons un négatif 24x36 par 3 pour obtenir une photographie 105x72 et que nous la regardons à une distance de 25 cms, le cercle de confusion (CoC) sur le négatif doit avoir une taille de l'ordre du tiers de 100 microns, soit 33 microns. Nous avons donc retrouvé la valeur magique de 33 microns utilisée depuis les années 30 pour calculer les tables de profondeur de champ. Il faut savoir que pour les films minox 8x11, il faut agrandir le négatif 10 fois pour obtenir un positif de la même taille, ce qui signifie que le cercle de confusion devrait être de 10 microns sur le négatif. Cette valeur étant hors de portée de la majorité des films, on utilisait un CoC de 15 microns pour les tables de profondeur de champ des minox 8x11 (pour les films moyen format, le CoC était de 60 microns).
Ces valeurs restent correctes pour de plus forts agrandissements, car on les regarde généralement de plus loin. Ainsi, pour une projection de diapositive, on utilise souvent un écran de 2m de large que l'on regarde à une distance de 5 mètres environ. A cette distance, la résolution de l'oeil est de l'ordre de 2 mm. Comme le négatif 24x36 est agrandi environ 60 fois pour donner une image de 2m x 1.5m, le cercle de confusion devient 33 microns x 60 = 2 mm. Formidable n'est-ce pas?
Conclusion
Il reste tout de même une question. Pourquoi utiliser des appareils numériques ou des films ayant une résolution permettant de dépasser ce cercle de confusion de 33 microns (le défunt Velvia 50 avait une résolution théorique d'environ 80 lignes par mm, soit 12.5 microns). La réponse n'est pas nécessairement simple.
Pour les appareils numériques, une partie de la réponse tient à la topologie des senseurs Bayer: il n'y a pas exactement un senseur complet tous les 7 microns sur un reflex, mais seulement un capteur alternativement vert, bleu ou rouge. La résolution réelle est donc quelque part entre 7 et 21 au gré des algorithmes de reconstruction de l'image (j'exclus les senseurs Foveon bien entendu).
En ce qui concerne la photographie argentique, il y a d'autres raisons; les substrats utilisés ne sont jamais parfaits, et de nombreux processus physico-chimiques (diffusion par exemple) se produisent, qui peuvent dégrader la résolution du film; par exemple, la résolution du Velvia 50 de 80 lignes/mm est valable pour un contraste donné de la mire, qui est de 1.6:1. Pour un contraste plus élevé de la mire, la résolution augmente (voir la doc technique).
Enfin, une bonne raison d'avoir une meilleure résolution d'image est simplement le plaisir que l'on peut avoir à réaliser des agrandissements que l'on peut regarder de près. A ce titre, la profondeur de champ peut donc varier en fonction aussi de la "carrière" d'une photo; ce qui est admissible pour du 10x8 peut ne pas l'être pour du 75x50.
Voici quelques points à retenir:
- Ne jamais faire confiance aveuglément aux échelles de profondeur de champ sur les objectifs, ou aux tables que l'on trouve dans les différents livres. Calculez vos propres tables, en fonction de votre appareil, de votre objectif, et de la "destination" de votre photo. Les temps ont changé depuis les années 30 et le cercle de confusion de 33 microns... Pour un reflex numérique utilisant des photosites de 7 microns et une mosaique Bayer, il vaut mieux prendre pour le cercle de confusion une valeur de l'ordre de 15 à 20 microns. Pour un Foveon X3 qui est généralement dépourvu de filtre passe-bas, la taille d'un photosite détermine la taille du cercle de confusion.
- Bien se rappeler que la diffraction est un phénomène inévitable, qui est indépendant de la qualité de votre objectif, ou de sa focale (en première approximation). Les phénomènes diffractifs sont d'autant plus sensibles sur les bridges ou les appareils compacts à petit capteur. Sur un reflex, la diffraction sera imperceptible jusqu'à f/14, alors que sur un bridge ou un compact, elle peut être perceptible dès f/5.
- Moralité: diminuer le diamètre de l'ouverture pour augmenter la profondeur de champ est une arme à double tranchant, car la diffraction peut devenir plus importante que le cercle de confusion et "flouter" l'image.
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Dernière modification: 09:11, 21/03/2024