Comprendre la photographie numérique en quelques mots
Différents types d'appareils numériques
On peut diviser les appareils numériques en quatre grandes catégories:
- Les "compacts": ce sont des appareils assez proches des appareils
24x36 à visée non reflex (et non télémétrique). Ils ont souvent un
petit viseur optique extrêmement peu précis, et la plupart des gens
utilisent l'écran LCD pour prendre la photo (à tel point que certains
fabricants ont simplement supprimé le viseur optique). Très populaire au début de la photographie numérique, ils ont été supplantés par les smartphones.
Le canon Ixus 40 - Les "bridges":
Ces appareils ont un viseur pseudo-optique: l'image est en fait
projeté dans le viseur soit par un système de miroir, soit par un
écran LCD séparé. La visée est donc reflex, et le viseur est plus
lisible que l'écran LCD arrière des compacts. Ces appareils ont été
populaires pendant de nombreuses années chez les "amateurs experts",
jusqu'à l'avènement des reflex numériques bon marché.
Le Minolta Z2 - Les reflex numériques: ce sont des reflex argentiques
traditionnels sur lesquels le film a été remplacé par un capteur
numérique. Il existe globalement trois tailles de capteur dans les reflex numériques, les capteurs "plein format" (environ 24x36 comme les reflex argentiques), les APS-C (environ 18x24) et les moyens format (44x33 chez FUJI par exemple). Ils ont tous les avantages des reflex traditionnels
(objectifs interchangeables, rapidité de mise au point et de
déclenchement, etc...) Les meilleurs capteurs plein format atteignent des résolutions autour de 50 à 60 MPix, et ne devraient guère les dépasser en raison du phénomène de diffraction qui limite la taille des pixels (voir cet
article
pour comprendre cette limite). Pour des raisons similaires les APS-C sont limités autour de 20 à 30 MPix. Les reflex moyens format sont autour de 100MPix, mais devraient pouvoir encore monter en résolution.
Le Canon EOS 300D - Les hybrides: ce sont des appareils très similaires aux reflex numériques, à une exception près: la visée qui se fait sur un reflex à travers un mécanisme de miroir et de pentaprisme et est donc optique, se fait sur un hybride directement sur un viseur électronique qui retranscrit l'image projeté sur le capteur (en anglais ils s'appellent d'ailleurs "mirrorless camera", soit appareil sans miroir). Cela permet également d'avoir des objecifs plus compacts, car pouvant être plus près du capteur. L'avantage principal est la diminution en poids et en taille des hybrides par rapport aux reflex. Le marché des hybrides a dépassé celui des reflex depuis 2020, et la plupart des fabricants se focalisent aujourd'hui sur ce type d'appareil.
La raison principale, à mon avis, est plus commerciale qu'autre chose. Le marché des reflex avait commencé à stagner car les capteurs avaient globalement atteint leur résolution maximale. L'arrivée des hybrides a permis de relancer la vente des appareils numériques, ainsi que des objectifs, puisque les hybrides nécessitent un autre format d'objectif pour utiliser pleinement leurs "capacités". Il s'agit d'un coup marketing assez remarquable de la part des fabricants. Je ne nie pas le gain de poids, mais il n'est pas si significatif que cela. Le Canon 5DsR pèse 900 grammes, le R5 pèse 750g, soit un gain de 150g, avec la perte de la visée reflex... On ne gagne rien si l'on ajoute les objectifs: le Canon EF 16-35 f/2.8 III pèse 790g, le canon RF 15-35 f/2.8 pèse 840g (soit 50g de plus!), pour des dimensions strictement identiques. Où est le gain?
Le Canon EOS R5 - Les dos moyen-format numériques: il s'agit de dos numériques qui
s'adaptent sur des appareils pro moyen format (style Mamiya 645). On
se contente de remplacer purement et simplement le dos de l'appareil
par un capteur et son électronique. Les dos numériques atteignent les 150Mpix pour une taille de 53x40.
Le dos numérique Phase One P25 sur un Hasselblad H1
Capteurs numériques
Un appareil numérique est très proche d'un classique appareil argentique. Un ensemble de lentilles projette l'image sur un capteur numérique au lieu de la projeter sur un film argentique. Le point intéressant est donc bien le capteur lui-même.
Différentes technologies
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Les capteurs CMOS (Complementary metal-oxide semiconductor) sont seulement sensibles au niveau de luminance et non à la couleur. Ils sont construits à base de silicium, comme n'importe quel composant électronique.
Ils ressemblent grossièrement à ceci:
Des micros lentilles sont placées au dessus des capteurs pour focaliser la lumière. En effet, les capteurs numériques sont surtout sensibles aux rayons arrivant perpendiculairement, et peu sensibles aux rayons rasants. Cela n'est d'ailleurs pas sans conséquence, en particulier pour les appareils où la distance entre l'objectif et le film (où le capteur) est faible, comme les leica M par exemple; pour ces appareils, développer des appareils utilisant des capteurs plein format est quasiment impossible car le vignetage sur les bords de l'image serait trop important (sur son M8, leica a d'ailleurs choisi un facteur de 1.3, et a de plus utilisé un dispositif de micro-lentilles inclinés placés sur les capteurs modifiant optiquement la quantité de lumière reçue en fonction de la position du capteur élémentaire).
Après avoir été focalisé, la lumière est filtrée suivant trois couleurs (Rouge, Vert, Bleue) disposés alternativement sur les capteurs. La mosaïque utilisée est généralement une mosaïque de type Bayer, développé par Kodak. Le vert est deux fois plus présent que le bleu ou le rouge, car l'oeil humain y est plus sensible.
Quand un photon heurte un senseur, un électron est généré (c'est l'effet photo-électrique), puis collecté (la probabilité pour qu'un photon absorbé génère un électron est appelé l'efficacité quantique du senseur). L'électron est traité par un circuit analogique, pour gérer tout un ensemble de problèmes, dont le bruit électronique. Les CMOS ont été développés au début des années 90. Les images générés par les CMOS nécessitent, en plus du traitement analogique, un traitement numérique qui doit restituer la couleur de l'image, puisque techniquement une image "sortie de capteurs" n'est que l'assemblage de trois images donnant les niveaux de luminance du vert, du bleu et du rouge. Ce post-traitement est connu sous le nom de démosaïquage. Nous reviendrons plus en détail sur ce sujet lorsque nous parlerons du traitement des fichiers RAW.
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Les capteurs de type CCD (Charge Coupled Device): Ils ont été développées aux laboratoires Bell dans les années 70 et, comme les capteurs CMOS, ne sont sensibles qu'à la luminance. Leur fonctionnement est proche de celui des défuntes mémoires à bulles: un bit est un paquet de charges, ou de trous. Ces paquets sont lus en série (ce qui différencie les CCD des CMOS qui peuvent être lus individuellement). Les CCD ont été les plus courants au début de la photographie numérique, mais ils sont plus gourmands en énergie que les CMOS, et sont généralement plus sensibles au bruit électronique. Aujourd'hui les CMOS se sont largement imposés. Une bonne source d'information est le site de FillFactory . Le post-traitement des images issus de CCD est très proche de celui utilisé pour les CMOS.
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Les capteurs Foveon: Sur un capteur Foveon, chaque photosite est capable de mesurer l'intensité des trois composantes principales (Rouge,Vert,Bleue) (voir ci-dessous).
Les senseurs Foveon utilisent la propriété suivante: la lumière, lorsqu'elle pénètre dans du silicium est "arrêté" à des profondeurs différentes, en fonction de sa longueur d'onde. Le bleue est absorbé d'abord, puis le vert, et enfin le rouge. En plaçant des senseurs superposés à l'intérieur de chaque photosite, on doit donc pouvoir capturer l'intensité des trois composantes principales.
Si tout était aussi simple et parfait, le senseur Foveon serait le senseur idéal. Malheureusement, chaque couche superposée n'est pas opaque à 100% pour sa propre couleur et transmissive à 100% pour les deux autres. Les images issus des senseurs Foveon ont un "look" particulièrement "gris" et les couleurs doivent être fortement accentuées par le post-traitement. Malheureusement, l'accentuation des couleurs accentue aussi le bruit de façon générale, et les capteurs Foveon sont encore incapables de dépasser les 400 ISO, là où leurs collègues CMOS et CCD arrivent allègrement à 1600 voire 3200 ISO sur les reflex numériques professionnels.Les capteurs Foveon sont peut-être la solution idéale de demain, mais rien n'est moins sûr. Pour l'instant, ils n'ont équipé que les appareils Sigma (SD9, SD10, SD14 et SD1) et rien ne prouve qu'ils se généraliseront. Sigma ne fabrique plus d'appareil basé sur des capteurs Foveon, même s'ils ont annoncé continuer le développement d'un capteur Foveon plein format (les plus grand capteurs Foveon fabriqués jusqu'ici étaient des APS-C, avec une résolution maximale de 16MPix). Pour une critique personnelle du SD1, vous pouvez jeter un coup d'oeil sur cette page.
Le bruit
Les senseurs CCD et CMOS sont exclusivement sensibles à la luminance, c'est à dire au nombre de photons reçus. Ces photons sont absorbés et transformés en électrons. On a donc un courant électrique qui sera amplifié par les circuits analogiques adéquats. Le problème est que les électrons générés dans les photodiodes peuvent être générés par autre chose que de simples photons, et ces électrons parasites, lorsqu'ils seront à leur tour amplifiés, vont devenir du bruit. Bien entendu, plus on amplifie le signal (ce qui correspond sur un appareil numérique à augmenter la sensibilité ISO), et plus les parasites vont devenir visibles.
Le bruit peut avoir plusieurs origines:
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L'agitation thermique: un capteur utilisé dans un environnement "chaud" sera plus bruité. Cela vient du fait que la température n'est rien d'autre que de l'agitation moléculaire, qui est susceptible de générer des électrons parasites dans le capteur. La température peut avoir deux origines: une externe (il fait chaud), mais aussi une interne, l'effet Joule dans le capteur lui-même. C'est pour cette raison que les circuits qui consomment moins de courant comme les CMOS sont moins sensibles au bruit que les CCD. Pour lutter contre ce phénomène thermique, les fabricants rivalisent d'ingéniosité, en utilisant par exemple le châssis métallique de l'appareil comme radiateur refroidissant les circuits.
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Les autres photosites: dans un capteur, et spécialement un CCD, les charges peuvent passer d'un photosite à son voisin. Cet effet est particulièrement vrai pour les capteurs denses, que l'on rencontre essentiellement dans les appareils "compacts".
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Le courant induit: la proximité d'autres circuits électroniques peut induire un courant dans le capteur. Pour éviter ce phénomène, les fabricants tentent d'éloigner autant que possible le capteur des autres circuits, ce qui est surtout possible sur les reflex.
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La taille des photosites: les petits photosites sont moins sensibles à la lumière que les grands. Il faut donc davantage amplifier le signal, ce qui rend les capteurs denses plus sensibles que les capteurs ayant de grands photosites.
Le senseur idéal doit donc avoir un grand nombre de photosites de grande taille. Il faut donc un grand capteur, un objet hélas encore fort cher.
Les tailles des capteurs
En janvier 2005, les dos digitaux comme le P25 utilisaient le format 645 (56x41.5), l'EOS 1DsMarkII ou l'EOS 5D utilisent un format 24x36, mais le 1D Mark2 utilise un capteur 27x18mm, et le 300D, ou le 10D utilise le format dit APS-C, environ 24x16mm. Les bridges même haut de gamme comme le Minolta A2 utilisent des capteurs beaucoup plus petits (8.8x6.6mm) Un P25 (22MPix) coûtait environ $30000, un Eos1Ds MarkII (16Mpix) 8000$, un EOS 1D MarkII (8Mpix) 4000$ dollars, et un 300D (6Mpix) moins de 1000$.
Les prix ont depuis baissés, mais les capteurs "full frame" restent chers. En 2023, un EOS 5D Mark IV (30MPix) coûte encore plus de 2000€ et l'EOS R5 (45 MPix) atteint presque les 4000€. Les APS-C sont devenus plus abordables, et un boitier comme l'EOS 2000D (24 MPix) coûte environ 400€.
On peut faire une petite comparaison entre un capteur APS-C et un capteur de smartphone, tous les deux de 16 MPix. Un capteur APS-C a une taille de 24mmx16mms, alors que même un bon smartphone aura un capteur avec une taille masimum de 8.8x6.6. L'espacement entre deux photosites sur l'APS-C est de 5 microns environ, alors qu'il est de moins de 2 microns pour le A2. Les conclusions s'imposent d'elles-mêmes concernant le bruit mais aussi concernant la définition potentielle; on verra en effet dans la page sur la diffraction que, pour des raisons d'optique pure, des photosites de moins de 4 microns n'ont pas de sens en terme de qualité (ce qui explique la limitation autour de 25MPix pour les capteurs APS-C, et de 50 MPix pour les "full frame").
Les fabricants utilisent à la fois des post traitements analogiques et numériques pour réduire le bruit, mais on ne peut pas ressusciter une information disparue. Il est impossible de faire avec un petit capteur ce que l'on peut faire avec un capteur de grande taille.
Comprendre la désignation des capteurs
Il est parfois difficile de comprendre la signification que l'on
emploie pour désigner la taille des capteurs. Par exemple un capteur "2/3",
a une taille de 8.8mm x 6.6mm.
Il est cependant possible de faire un petit peu de magie pour s'y
retrouver.
Convertissons tout d'abord la taille de 2/3 qui est en inch: 2/3 *25.4
= 16.9 mm. Cette dimension est celle non pas du capteur mais de
l'enveloppe extérieure des tubes de caméra de télévision des années 50
qui utilisaient ce type de capteur... Pour retrouver la taille du
capteur, il faut multiplier par 2/3 cette dimension. Donc 2/3 * 16.9mm
= 11.2mm. Ce résultat n'est qu'approximatif. Retrouvons maintenant la
longueur et la largeur du capteur en appliquant le théorème de
Pythagore. Le rapport longueur/largeur est de 4/3, il suffit de
résoudre l'équation (4*s)2+(3*s)2=11*11, ce qui
nous donne s=2.2mm, soit un capteur de 8.8*6.6.
Vous trouverez dans la table ci-dessous l'essentiel des informations utiles:
Désignation | Rapport | Largeur | Hauteur |
1/3.6" | 4/3 | 4.000 | 3.000 |
1/3.2" | 4/3 | 4.536 | 3.416 |
1/3" | 4/3 | 4.800 | 3.600 |
1/2.7" | 4/3 | 5.270 | 3.960 |
1/2" | 4/3 | 6.400 | 4.800 |
1/1.8" | 4/3 | 7.176 | 5.319 |
2/3" | 4/3 | 8.800 | 6.600 |
1" | 4/3 | 12.800 | 9.600 |
4/3" | 4/3 | 18.000 | 13.500 |
APS-C | 3/2 | 25.100 | 16.700 |
35mm | 3/2 | 36.000 | 24.000 |
645 | 4/3 | 56.000 | 41.500 |
Le facteur de réduction et la focale équivalente
On entend régulièrement parler de "focale équivalente". De quoi
s'agit-il exactement?
Nous allons l'expliquer sur un exemple simple. Comme dit
dans le
chapitre
consacré à l'optique géométrique, le grossissement
d'une lentille est:
O'I'/OI = f/d
où O'I' est la taille de l'image de l'objet, OI la taille de l'objet,
f la distance focale de la lentille et d la distance de l'objet. On
peut récrire cette équation sous la forme:
f = d (O'I'/OI)
Supposons maintenant que je vais prendre une photo d'une personne de
1m80 à une distance de 10m, et que je veux que l'image de la personne
occupe la totalité de la hauteur de ma pellicule, soit 36mm. Quelle objectif
faut-il utiliser? Le calcul est simple:
f = 10 (0.036/1.80) = 0.2m = 200mm
Il me faut donc un objectif de 200mm.
Supposons maintenant que je veuille utiliser un A2 pour prendre la
même photographie, la personne occupant à nouveau la hauteur totale de
l'image soit 9mm. Quel objectif utiliser maintenant?
f = 10 (0.009/1.80) = 0.05m = 50mm
Donc, comme le capteur du A2 est 4 fois plus court qu'une pellicule,
il faut utiliser des objectifs dont la distance focale est 4 fois plus
courte. C'est l'explication de la "distance focale équivalente", et 4
est le facteur de réduction (pour un reflex APS-C, le facteur de
réduction est de 1.5 environ, puisque le rapport des tailles est
36/24=1.5).
Cette dénomination est plutôt mal choisi. Souvent, un appareil est présenté comme ayant un zoom 28-200mm, alors qu'il s'agit en réalité d'un objectif 7-50mm. Il faut pourtant que l'utilisateur se rappelle bien que son objectif se comportera en tout point comme un 7-50mm, en ce qui concerne la diffraction, le cercle de confusion, la profondeur de champ, etc... en fait, toutes les propriétés optiques de l'objectifs sont liés à la distance focale réelle et non à la distance focale équivalente. Cette propriété est souvent mal comprise, même par les professionnels. J'ai ainsi lu tout récemment une review faite par un photographe professionnel sur le terrain qui affirmait que les valeurs de profondeur de champ affichées sur la bague de l'objectif étaient incorrectes lorsque l'appareil utilisait un petit capteur. C'est évidemment faux: les valeurs de profondeur de champ étaient fausses, mais pour une tout autre raison: la taille des photosites étant plus petite que le grain d'une pellicule, il faut réduire la profondeur de champ pour en tenir compte. Cela est discuté en détail dans le chapitre consacré à la profondeur de champ.
Les "white papers" CANON
Les "white papers" sont des documents technique extrèmement intéressantes qui décrivent les différents produits Canon. Il faut certes les lire en se rappellant que Canon ne va pas dénigrer ses propres produits, mais cela reste des sources extrèmement utiles. Tous ces documents sont en anglais.
- Présentation de la technique CMOS Canon
- EOS 50D et 5D Mark II
- EOS 1D Mark III
- EOS 1D Mark II N
- EOS 1Ds Mark III
- EOS 1 Ds Mark II
- EOS 20D
- EOS 30D
- EOS 40D
- EOS 5D
- EOS XT (350D)
- EOS XTi (400D)
Autres ressources en ligne
- Comment lire les courbes MTF (en anglais)
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Dernière modification: 20:16, 07/03/2024